Et on se tend la main ... { Saule }

Lieutenant Messages : 24 Date d'inscription : 13/01/2010

Certaines branches craquaient sous le poids de la silhouette blanche qui parcourait furtivement la forêt. Le lieutenant de l'Ombre, Coeur de Givre avait prévu de chasser, et d'en profiter pour patrouiller à la fois. Certes il avait dépassé la frontière de l'Ombre, mais il avait ouï dire de la future présence inopinée d'autres chats. Il redoutait leur venue à chaque instant, et cette promenade le revigorait. Son clan était en surêté avec Feuille Etoilée, voilà pourquoi il s'était permi cette excursion. De pâles rayons éclairaient la plaine, et Coeur de Givre ne se lassait pas de ses pattes effleurant le sol délicatement, tout en gardant sa vélocité. Soudain, il s'arrêta, et tous ses sens furent mis à l'épreuve. D'autres craquements suivirent ceux qu'il avait perçus quelques instants plus tôt. Ses muscles se contractèrent et ses lèvres se retroussèrent. Son dos lisse laissa place à une échine hérissée, et ce fût dans cette position qu'il aborda une jeune chatte. Inspirant un bon coup, il se reprit lorsqu'il sentit les efflves qu'elle apportait avec elle; le Vent ne représentait aucun danger. Il ne broncha pas, et attendit qu'elle prenne la parole. Il n'était pas disposé à parler, après tout. Sa rage bouillonait et son rictus sournois ne pouvait quitter son visage anormalement détendu. Ses yeux étaient empreints d'une lueur interrogative, et son expression demeurait impassible.
Une souris passa.
Il la tua.
Au moins, il ne rentrerait pas totalement seul.

Chef Messages : 52 Date d'inscription : 21/12/2009

Étoile du Saule gambadait, tranquillement, dans les environs de la ferme de Gerboise. La journée était déjà bien entamée et la meneuse n’avait trouvé point de proie, c’est pourquoi elle s’était dirigée vers la grange où giboyait des tonnes et des tonnes de rongeurs. Le clan du Vent manquait cruellement d’effectif et, du coup, de nourriture. En chemin, la chef au pelage de terre avait sentit un effluve. L’effluve d’un matou de l’Ombre. *Que fait-il ici? Il est si loin de son territoire…* Elle le pista, jusqu’à tomber nez à nez avec lui! Le félin possédait un pelage blanc comme neige, la plus pure de toute, ce qui lui procurait un merveilleux camouflage à comparer de celui de la féline qui l’aidait plus à la saison des feuilles nouvelles. Ses yeux de glace étaient empreints d’une lueur interrogative tandis que son visage était teint d’un rictus sournois. Mais ses prunelles étaient si belles… La chef à la robe striée de noire releva bien haut la tête et miaula :

-Bonjour, chat du Clan de l’Ombre. Je suis Étoile du saule, chef du Clan du Vent. Puis-je savoir ton nom et la raison de ta présence en territoire de solitaires? Je ne t’ai jamais vu aux assemblées.

Étoile du Saule passait le cœur du mâle blanc aux rayons X. Celui-ci semblait si froid, si distant…

Lieutenant Messages : 24 Date d'inscription : 13/01/2010

Coeur de Givre plongea ses iris dans ceux de la chef du Vent, pour ne plus les quitter. Il demeurait figé, et son immobilité devenait parfois apeurante. De son pelage jusqu'à son attitude, tout en lui laissait à penser qu'il était un spectre, hantant les bois. Il rit de cette possibilité; il aimait intimider le peu de chats qui osaient l'approcher. Maintenant qu'il était Lieutenant, se devait-il de s'efforcer à apparaître plus chaleureux? Cette question, il se l'était déjà posée, et la considérait à présent comme réthorique. La réponse ne pouvant pas être affirmative, il avait effacé ce songe saugrenu de son esprit. Il resterait vil et narquois, d'une part parce qu'il était fortement recommandé de rester soi-même, en obtenant une promotion. Il se remémorrait tous les novices qui sautaient de joie, euphoriques jusqu'aux oreilles lors de leurs nominations. A chaque fois, ces situations l'exaspéraient. Pourquoi des chats se satisfaisaient-ils d'événements si ridicules? Ils finiraient après tout tous d'une manière semblable, qui permettait seulement quelques variantes; la mort. Personne n'était éternel ni indispensable, et les gens y ajoutaient leurs personnalités sans originalité, en criant des paroles abérantes à propos de n'importe quel sujet.
Il n'appréciait pas la façon si peu subtile dont Etoile de Saule le fixait; certes il était peu ordinaire de croiser un chat d'une beauté non négligeable froid et sinistre. Normalement il aurait dut aller à son encontre avec un charmant sourire. Mais Coeur de Givre n'était pas normal. Il aurait souhaité lui rétorquer qu'elle non plus n'avait pas de raisons apparentes pour laisser son clan et voguer si loin. Mais il se rappela qu'il n'avait à présent plus les mêmes responsabilités qu'autrefois. Il devrait se forcer à paraître courtois dans les années à suivre. Jusqu'à la fin. Il se força alors à adopter un visage plus agréable et moins rébarbatif à l'égard de la chef du Vent. De sa voix mielleuse et envoûtante, il répondit alors calmement:

" Coeur de Givre , lieutenant de l'Ombre. Je pourrais vous retourner la question. "

Chef Messages : 52 Date d'inscription : 21/12/2009

Ce chat est arrogant… Pourquoi est-il ainsi? C’est ce qu’Étoile du Saule pensa. Un félin possédant un tel caractère devait prendre racine dans son passé et ne pouvait en sortir… La chef ne lui avait rien fait et voilà qu’il lui répondait comme ça! Que c’était frustrant! Mais la féline au pelage de terre préféra rester calme et humble que de se laisser emporter. Un chef de Clan se devait de faire des choix posés et choisir son comportement. Étoile du Saule fixa intensément, de son vert regard, Cœur de Givre, inclina sa tête et dit :

-Enchantée de faire ta connaissance Cœur de Givre. Pour répondre à la question que JE t’ai posé, je suis ici car je manque cruellement de guerriers pour chasser alors, j’ai décidé de venir ici car il y a du gibier à profusion.

La meneuse du Vent s’assit sur son derrière et enroula sa queue touffue autour de son corps. Par pur inadvertance, l’air gelé et frisquet lui apporta l’odeur d’un blaireau. Un blaireau? Ici et en ce temps de l’année?

-Un blaireau… murmura-t-elle.

À l’instant où la chatte au pelage brun dit ce mot, deux petites billes noires et luisantes apparurent derrière le matou à la robe fantomatique. La bête répugnante les lorgnait d’un regard avide de sang…
Les yeux s’agrandirent de frayeur.

-Cœur de Givre, retourne-toi tout doucement et ne fait aucun mouvement brusque, chuchota-t-elle.

Lieutenant Messages : 24 Date d'inscription : 13/01/2010

Le faciès inanimé et distant du Lieutenant de l'Ombre reprit sa place, lors de la réplique de la Chef du Vent. Elle était têtue, et si des responsabilités semblables aux siennes en encore plus importantes ne lui avaient pas obligée à rester polie et majestueuse, il perçevait que la chatte n'aurait pas gardé son sang froid si dignement. Tout chez lui était insolent et intimidant; de ses yeux glacés à son corps sculpté en marbre, de l'insolence qui abritait son visage à ses réponses succinctes. Son être représentait un concentré de jalousie, haine et dureté. Jamais ses traits ne se décontractaient, sauf dans des circonstances qui l'obligeaient à user de ses zygomatiques, qui à force lui laissaient une crampe au niveau de ses joues.
Malgré le ton insistant d'Etoile de Saule lorsqu'elle eût finit sa vive intervention afin qu'il fît de même, nommant les raisons de sa venue, il n'arracha aucun son de sa gorge. Du moins si l'on fait abstraction du rugissement sourd qui déchira ses entrailles à la mention du blaireau. Il avait également reniflé l'odeur désagréable que dégageait l'animal, mais ne l'avait pas cru si proche.
Il sentit une force nouvelle parcourir ses veines, son sang se bousculait dans son corps agité par des convulsions de rage. Il ressentait ce besoin. La Protéger était soudain sa priorité. Sans prendre la peine de réfléchir quelques secondes de plus, qui auraient pu signifier le premier décès de la Chef du Vent, il sauta furieusement sur l'animal malchanceux.
Un duel terrible éclata alors, arrachant des feulements de haine à Coeur de Givre. Il était comme devenu fou, et à chaque fois que la bête lui lacérait les flancs, il se rebiffait en attaquant toujours plus. Sa fureur empirait, il était dominé par cette nouvelle amie, qui l'aidait à avoir plus de violence dans ses offenses.
Au bout d'innombrables et interminables secondes, le guerrier acheva l'immonde animal. Son pelage virait au rose, mélange de rouge et blanc. Malgré toutes les souffrances qu'il éprouvait, et les élancements qu'il ressentait à chacun de ses mouvements, il eut pour la première fois de sa vie un réel sourire victorieux, des yeux pétillants et un visage doux.
Il avait réussi. Elle avait été épargnée.

Chef Messages : 52 Date d'inscription : 21/12/2009

À peine Étoile du saule avait-elle bougé une patte que Cœur de Givre s’était rué vers la bête à l’odeur horrible. Un combat constitué de sang, de cris de douleur et d’un torrent de neige s’était alors engagé. La chef au cœur si humble ne pu avancer. C’était comme si un monstre de Bipède l’avait percuté de plein fouet. Le lieutenant, au début de leur conversation, avait fermé son cœur et ses émotions et était resté de marbre. Mais là, il était en train de se battre pour elle, une chef d’un clan ennemi. Elle avait réussi à déverrouiller ce cœur si longtemps gelé par une quelquonque blessure interne. Comment le savait-elle? À la fin du combat où l’ennemi avait succombé des crocs de Cœur de Givre, le matou lui avait décoché un sourire victorieux. Le plus chaleureux qu’elle n’avait jamais vu… Et il s’était écroulé sur le lit blanc que formait la neige. Étoile du Saule pu enfin débloquer ses muscles et elle vint à la rencontre du matou.

-Est-ce que ça va? Non, c’est sûr, vu ton état… Je vais essayer de faire quelque chose.

Étoile du Saule lui donna une léchouille sur le bout de l’oreille pour lui montrer qu’il pouvait avoir confiance en elle. La chatte lui devait bien ça quand même! *Bon, de la sauge… Où vais-je en trouver par ce temps?* Après quelques minutes de réflexions, elle changea d’idée. Mieux valait nettoyer les plaies et les cicatriser naturellement. Surtout à la mauvaise saison. La féline au pelage de terre revint sur ses pas et commença à nettoyer, à grands coups de langue, la fourrure imbibée du liquide poisseux et rouge, non sans gêne! Si Étoile du Saule n’avait pas de fourrure, on aurait pu constater que sa peau était devenue plus que rosée. Après sa manœuvre, elle annonça :

-Et voilà mon cher! J’espère que tu iras mieux. J’allais oublier, merci… Tu n’as pas hésiter à risquer ta vie tandis que moi, j’en ai neuf…